GrettA | Un enfant

GrettA, c'est la fille ni trop belle, ni trop laide. Elle n'est ni trop fûtée, ni trop idiote. GrettA, c'est la fille lambda - peut-être ta voisine, peut-être ta collègue de bureau - avec son lot de joies et de peines, de bonheur et de déceptions. GrettA n'est peut-être pas si particulière, mais elle a la rage de vivre et le fait savoir dans ses chansons. GrettA, c'est en fait quatre garçons puisant leurs influences dans le rock français et anglo-saxon pour tisser des morceaux alliant l'énergie détonante du rock à la mélodie suave de la pop.

 

Une première écoute révèle de prime abord des textes en français d'une finesse et d'une poésie remarquables. L'écriture en anglais, si elle est parfois un choix artistique relevant de l'harmonie avec le style musical, est aussi souvent une affaire de facilité. Le français, en effet délicat à manier et à faire sonner, est un exercice redoutable qui est ici réalisé avec brio. Le désir de garder une âme d'enfant, l'envers du décor du rêve américain, la complexité des rapports amoureux, la combativité dans l'adversité, autant de thèmes traités par un auteur quelque peu désabusé au regard vif et critique sur le monde qui nous entoure.

Ces paroles sont portées par un chant qui, lui, est davantage sujet aux critiques. Rauque, joliment éraillée, la voix de NanaR est puissante et intense. Mais c'est dans l'élocution que se situe le dilemme. Le vocaliste déploie une accentuation qui ne parait pas totalement naturelle et semble se donner un style dans sa diction. C'est un peu particulier, on adhère ou l'on adhère pas. Après quelques minutes, les qualités du songwriting et de la composition nous font oublier ce détail dérangeant pour apprécier le réel potentiel de la formation.

L'instrumentation est à la fois énergique et très mélodique. GrettA s'inscrit dans la plus pure tradition du rock français chanté en français, en emboitant le pas des divers héritiers des regrettés Noir Désir. Même si les quatre garçons ne sont pas aussi engagés politiquement, on sent une essence rock assez similaire et la plume est d'une poésie qui rappelle parfois celle de Mr Cantat. On le ressent particulièrement sur des morceaux comme Premiers pas ou Je suis l'autre. Il y a aussi un côté pop dans la musique de la bande avec des titres très mélodiques tels que Cité des anges, Tout comprendre ou Un homme. L'inspiration est bel et bien présente et sème quelques perles ici et là au détour de Ces moments là, jouant subtilement avec le rythme grâce à une batterie créative, une ligne de basse très volontaire et un chant ciselant parfaitement les textes. Il en est de même pour Relève toi qui possède l'une des plus jolies parties guitares de cet opus.

Il sera impossible de sortir indemne de Des regards, élégante ode aux non voyants, au texte touchant et à l'instrumentation intense, de par sa puissance sous-jacente et sa mélodieuse six cordes sur un tempo finalement plutôt calme. Le thème est d'ailleurs développé jusqu'au bout puisque le titre de ce morceau est écrit en braille sur la jaquette du CD. Enfin, une dernière remarque ou plutôt un clin d'œil au sujet de Elle court. Le refrain de ce morceau fait sensiblement penser à Politique du groupe toulousain Sortie 15 qui est un de nos chouchous à la rédaction.

En outre, GrettA réalise un plutôt sympathique premier effort avec des textes d'un très grand intérêt et une composition solide. Le rock français n'est pas en berne et l'écriture dans la langue de Molière non plus. La formation a de beaux jours devant elle même si elle est sur le point de connaître un nouveau changement de line-up (le bassiste, Pierre, part au Québec sous peu), attention juste à bien garder sa personnalité et à ne pas tomber dans les clichés du sous-Noir Dés'.

[Fanch]

GrettA, Un enfant, Autoproduction, 2011.

Quatre titres en écoute sur Myspace.

Tracklist :

01. Un enfant

02. Ces moments-là

03. Elle court

04. Cité des anges

05. Premiers pas

06. Tout comprendre

07. Relève toi

08. Des regards

09. Je suis l'autre

10. Un homme